WOLFGANG AMADEUS MOZART et NOUS
I – SA BIOGRAPHIE
Admirable pianiste, interprète passionné de la musique dite « classique » et pourtant compositeur atonal, Arthur Schnabel confia, un jour, à ce chef mythique que fut Wilhelm Furtwangler : « Je compose comme Mozart. Avec moins de talent, évidemment ! Ce que je veux dire, c’est que le processus de création s’effectue en moi d’une façon analogue à celle dont il a dû s’accomplir chez Mozart, c’est-à-dire spontané, aisé, coulant de source, sans le moindre appesantissement provoqué par la recherche et la réflexion ». Schnabel, cependant ne joua jamais lui-même ses propres oeuvres dodécaphoniques en public, car il distinguait le créateur de l’interprète.
Mozart, toute sa brève vie durant, fut le champion de ses créations, leur premier défenseur devant le public. Cette intense liaison entre ses auditeurs et lui est au coeur de l’exceptionnelle communion qu’inspirent, deux cent cinquante ans après la naissance d’Amadeus, ses concertos, ses quintettes, ses symphonies, ses opéras.
Le miracle mozartien réside dans l’universalité de cette musique qui peut rassembler des individus de tous horizons, touchés par la grâce de ce qu’ils entendent. L’oeuvre d’art – musicale ou picturale – ne devient chef-d’oeuvre que dans ce lien avec l’auditoire le plus large qui soudain partage des émotions et des sentiments communs. Elle efface les différences, abolit le temps et s’impose à l’humanité.
Si l’on a pu dire de Bach qu’il était un « saint » trônant sur les nuages, le divin Mozart, lui, est d’abord un homme : alors qu’il n’a rien bouleversé ni découvert, sa musique, unique néanmoins, exprime plus que tout autre nos faiblesses et nos passions. Apollinienne et dionysiaque à la fois, elle forme une cosmogonie qui mêle l’insouciance et la gravité, le tragique et le bouffon, la vie et la mort.
Si la musique de Mozart nous va moins au coeur que les notes dépouillées de Beethoven, elle nous séduit tout autant parce qu’elle reflète l’arc en ciel des sentiments humains tel qu’il existe depuis la nuit des temps. Mozart est indémodable parce qu’il parle de nous. Mozart est impérissable parce qu’il nous plonge au coeur de notre être, entre insignifiance et dépassement. Mozart est éternel parce que, comme l’a écrit le philosophe allemand Wilhelm Dilthey, « il n’est pas venu pour instaurer un ordre du monde, mais pour exprimer musicalement ce qu’il est ».
Johannes Chrysostomus Wolfgang Theophilus MOZART, plus connu sous le nom de Wolfgang Amadeus MOZART, né à Salbourg, principauté du Saint Empire romain germanique, le 27 janvier 1756 et mort à Vienne le 5 décembre 1791, est généralement considéré comme l’un des plus grands compositeurs de la musique classique européenne.
Bien que mort à 35 ans, il laisse une oeuvre importante (626 oeuvres sont répertoriées dans le catalogue Kôchel) qui embrasse tous les genres musicaux de son époque. Selon le témoignage de ses contemporains, il était au piano comme au violon UN VIRTUOSE.
On reconnaît généralement qu’il a porté à un point de perfection le concerto, la symphonie et la sonate qui deviennent après lui les principales formes de la musique classique et qu’il est un des plus grands maîtres de l’opéra. Son succès ne s’est jamais démenti.
L’enfant prodige
Son enfance (1756 – 1773)
Né à Salzbourg, qui est à l’époque la capitale d’une principauté ecclésiastique du Saint Empire Romain Germanique, MOZART est le fils d’un compositeur et grand pédagogue allemand, Léopold Mozart (1719 – 1787), vice – maître de chapelle à la cour du prince archevêque de Salzbourg et de son épouse Anna Maria Perlt (1720- 1778). Wolfgang est le septième enfant du couple. Trois enfants sont morts en bas âge avant la naissance de sa soeur
Maria Anna (surnommé « Nannerl », née en 1751), et deux autres sont encore morts entre la naissance de cette soeur aînée et la sienne. Il est baptisé Joannes Chrysostomus Wolfgangus Theophilus signifiant « aimé de Dieu » a des équivalents allemand (Gottlieb), italien (Amadeo) et latin (Amadeus).
MOZART révèle des dons prodigieux pour la musique dès l’âge de trois ans : il a l’oreille absolue et certainement une mémoire eidétique (à quatorze ans, il aurait parfaitement retranscrit le Miserere de Gregorio Allegri, morceau qui dure environ 15 minutes, en ne l’écoutant qu’une seule fois !!!). Ses facultés déconcertent son entourage, et incite son père à lui apprendre le clavecin dès sa cinquième année. Le jeune MOZART apprend par la suite le violon, l’orgue et la composition. Il sait déchiffrer une partition et jouer en mesure avant même de savoir lire, écrire ou compter. A l’âge de six ans (1762), il compose déjà ses premières oeuvres (menuets KV.2,4 et 5 et allegro KV.3).
Le voyageur
Entre 1762 et 1766, il part en tournée avec son père (employé par le prince archevêque Schrattenbach) et sa soeur aînée Maria-Anna, d’abord à Munich, puis à Vienne, avant de partir le 9 juin 1763 pour une longue tournée en Europe, qui l’emmènera à Munich, Augsbourg, Mannheim, Francfort, Bruxelles, Paris, Londres, La Haye, Amsterdam, Dijon, Lyon, Genève, Lausanne. Ses exhibitions impressionnent les auditeurs et lui permettent de capter de nouvelles influences musicales. Il fait la rencontre de deux musiciens qui le marqueront pour toujours : Johann Shobert à Paris, et Johann Christian Bach (fils cadet de Jean Sébastien Bach) à Londres. Ce dernier lui fait découvrir le pianoforte, inventé au début du siècle, et l’opéra italien, et lui apprend à construire une symphonie.
En 1767, à l’âge de 11 ans, il écrit son premier opéra Apollo et Hyacintus (K38), une domédie latine destinée à être interprétée par les élèves du lycée dépendant de l’université de Salzbourg. De retour en Autriche, il se rend régulièrement à Vienne et compose deux autres opéras, Bastien et Bastienne et la finta semplice, durant l’été 1768, à l’âge de 12 ans. L’année suivante, il est nommé maître de concert par le prince archevêque. Son père obtient un congé sans solde afin de lui faire découvrir l’Italie. De 1769 à 1773, MOZART s’y rend régulièrement, et y étudie l’opéra, forme musicale dans laquelle il excellera (les noces de Figaro, Don Giovanni, Cosi fan tutte, La flûte enchantée).
Grâce à son travail sur les harmonies vocales et sa maîtrise de la polyphonie, il donnera ses lettres de noblesse à ce genre. En Italie, il se lie au savant Padre Martini, devient membre de l’Accademia Filarmonica de Bologne – qui n’admet en principe que les membres âgés de plus de vingt ans. Le pape Clément XIV le nomme Chevalier de l’éperon d’or. Le 16 décembre 1771, le prince – archevêque Schrattenbach décède. Le prince – archevêque Colloredo devient son nouvel employeur.
Au service du prince-archevêque Colloredo (1773 – 1781 )
MOZART est malheureux dans sa ville natale. Son nouvel employeur n’aime pas le voir partir en voyage et lui impose la forme des oeuvres qu’il doit écrire pour les cérémonies religieuses. A 17 ans, il a du mal à accepter ces contraintes et ses relations avec le prince archevêque se dégradent au cours des trois années qui suivent. Il fait la connaissance à Vienne de Joseph HAYDN avec qui il entretiendra une correspondance et une amitié teintée d’admiration réciproque tout au long de sa vie.
Joseph HAYDN à Léopold MOZART :
« Je vous le dis devant Dieu, en honnête homme, votre fils est le plus grand compositeur que je connaisse, en personne ou de nom, il a du goût, et en outre, la plus grande science de la composition ».
Wolfgang Amadeus MOZART à propos de Joseph HAYDN :
« Lui seul a le secret de me faire rire et de me toucher au plus profond de mon âme ».
En 1776, MOZART a vingt ans et décide de quitter Salzbourg. Toutefois, le prince archevêque refuse de laisser partir son père et lui impose de démissionner de son poste de maître de concert. Après une année de préparatifs, il part avec sa mère, tout d’abord à Munich, où il n’obtient pas de poste puis à Augsbourg, et enfin à Mannheim où il se lie avec de nombreux musiciens. Toutefois, ses démarches pour obtenir un poste restent là aussi infructueuses. C’est à Mannheim également qu’il tombe éperdument amoureux de la cantatrice Aloysia Weber, ce qui déclenche la colère de son père et lui demande de ne pas oublier sa carrière. Couvert de dettes, MOZART comprend qu’il doit reprendre ses recherches et part pour Paris au mois de mars 1778.
Il espère trouver de l’aide auprès de Melchior GRIMM, qui s’était occupé de sa tournée lorsqu’il avait sept ans, mais sans succès. Il ne trouve pas de poste, et a même du mal à se faire payer ses oeuvres dans une France en crise. Sa mère tombe malade durant ce séjour et meurt le 3 juillet 1778. MOZART rentre alors à Salzbourg, où son père a convaincu le prince archevêque de le reprendre à son service, en passant par Munich où vit la famille WEBER. Mais Aloysia aime un autre homme et c’est un MOZART déprimé qui arrive à Salzbourg le 29 janvier 1779 où il retrouve son ancien poste.
En novembre 1780, il reçoit une commande pour l’opéra de Munich et il part comme son contrat l’y autorise. La création, le 29 janvier 1781 d’Idoménée, roi de Crète est accueillie triomphalement par le public. De retour à Salzbourg, MOZART doit suivre son employeur à Vienne, où le prince-archevêque le traite publiquement de « voyou » et de « crétin » avant de le congédier. Mozart s’installe alors dans la capitale autrichienne comme compositeur indépendant, dans la pension de madame Weber.
L’indépendance
Vienne (1782 – 1791)
MOZART peut enfin composer plus librement, débarrassé de l’autorité de son père et de son employeur. En 1782, l’empereur Joseph II, lui commande un opéra. Ce sera l’Enlèvement au Sérail, en langue allemande, qui incitera Glück, compositeur des concerts publics à Vienne, à féliciter Mozart.
Il a fait la connaissance de la troisième fille de madame WEBER, Constanze, et décide de l’épouser sans attendre le consentement de son père. Le mariage est célébré le 4 août 1782, dans la cathédrale Saint-Etienne.
Peu après le Baron van Swieten lui fait découvrir deux compositeurs qui étaient tombés dans l’oubli à cette époque, BACH et HAENDEL. MOZART, homme de théâtre, tout comme Haendel, admire les effets musicaux créés par ce dernier pour accentuer le caractère dramatique des oeuvres. Il est en outre fasciné par l’art du contrepoint de Bach, qui influence directement sa Grande Messe en ut mineur KV 427, et nombre de ses oeuvres par la suite. La même année, il commence une série de six quatuor dédiés à son ami Joseph Haydn, qui se terminera en 1785.
En 1784, MOZART entre dans la Franc-Maçonnerie et gravit rapidement les échelons pour devenir Maitre en avril 1785. Il écrit par la suite plusieurs oeuvres pour ses frères maçons, dont la Musique Funèbre Maçonnique K 477 et surtout en 1791 La Flûte Enchantée (dit opéra maçonnique) KV 620 qui est une transcription de l’initiation à la franc-maçonnerie.
En 1786, MOZART fait la connaissance du librettiste Lorenzo da Ponte, poète officiel du théâtre de Vienne. Ce dernier convainc l’empereur d’autoriser la création d’un opéra basé sur le Mariage de Figaro de Beaumarchais, alors que l’empereur a interdit la pièce, jugée subversive. MOZART part alors à Prague où Le Nozze connaît un succès phénoménal. En hommage à cette ville, il compose la symphonie n°38 en ré majeur.
Il reçoit alors du directeur du théâtre de Prague la commande d’un opéra pour la saison suivante. MOZART fait à nouveau appel à Lorenzo da Ponte pour créer le livret de Don Giovanni. Le 28 mai 1787, son père Léopold meurt. Ce décès bouleverse MOZART et va influencer la composition de son opéra alors en chantier. Don Giovanni est créé au théâtre des États à Prague le 28 octobre 1787 avec un grand succès qui ne se confirmera pas à Vienne.
Les difficultés, la maladie et la fin prématurée
Durant les dernières années de sa vie, MOZART est souvent malade et chroniquement endetté malgré de nombreux succès très bien rétribués, car il mène grand train de vie. Il compose beaucoup : concertos, sonates, symphonies, opéras (dont Cosi fan tutte, sa dernière collaboration avec Lorenzo da Ponte).
L’année 1790, qui voit le décès de l’empereur Joseph II (son successeur Léopold II n’est pas favorable aux Francs-maçons) et le départ de Joseph Haydn pour Londres, est peu productive.
En 1791, Emmanuel Schikaneder, un de ses amis francs-maçons, directeur d’un petit théâtre populaire de Vienne lui commande un opéra. Il lui en fournit le livret et MOZART écrit la musique de son avant dernier opéra La Flûte Enchantée. Sa création le 30 septembre est un triomphe.
En juillet, un inconnu lui commande un Requiem (KV 626) qui doit rester anonyme. On sait aujourd’hui qu’il était commandité par le comte Franz von Walsegg, et on suppose que celui-ci souhaitait soit faire deviner à ses amis le nom de l’auteur, soit s’en attribuer la paternité. MOZART, affaibli par la maladie et les privations, doit outre faire face à une surcharge de travail, car il a reçu (début août) la commande d’un opéra (la Clemenza di Tito KV 621) pour le couronnement du roi de Bohême Léopold II, qu’il devra écrire en trois semaines.
Il meurt le 5 décembre 1791, 5 minutes avant une heure du matin, à l’âge de 35 ans sans avoir pu achever ce Requiem qui sera terminé à la demande de Contanze par un de ses élèves, Franz Xavier Süssmayer). Selon une légende, il aurait été empoisonné à l’arsenic par les Francs-maçons.
La légende, reprise dans le film Amadeus de Milos Forman, qui veut que MOZART ait composé ce Requiem en prémonition de sa mort prochaine relève plus de l’imagerie romantique que de la réalité. Mozart est enterré au cimetière Saint Marx dans la banlieue de Vienne, dans une fosse commune.
Cela correspond à un enterrement de 3ème classe dont les frais sont partagés par la famille de Mozart et ses amis. Le cimetière est éloigné de la ville selon les décrets de l’empereur Joseph II relatifs aux conditions sanitaires. Contrairement à ce qui est souvent dit, MOZART n’a donc pas été enterré dans une fosse commune. Les fosses communautaires étaient des fosses payées d’avance pour 10 personnes (8 adultes et 2 enfants). Un service commémoratif a eu lieu à Prague le 14 décembre devant des milliers de personnes. Emmanuel Schikaneder en organise un à Vienne au cours duquel le début du Requiem (Introitus et Kyrie) pourrait avoir été joué.